vendredi 28 mai 2010

Harley Davidson WLA 45

La Liberator de Milwaukee


Ce n’est peut-être pas la moto militaire la plus construite, mais c’est la plus connue. En 1944, la Harley-Davidson WLA est indissociable de la Libération de la France et de l’Europe. Elle a aussi largement contribué à faire connaître la marque américaine dans nos frontières.

La Harley-Davidson WLA est issue d’un modèle civil développé avant la guerre, la WL45 qui « cube » 750 cm3 (45 cubic inch). Il s’agit d’un V-twin très classique de conception, avec deux cylindres en fonte dotés de soupapes latérales lui même dérivé des anciennes séries “D” de cylindrées identiques et datant de 1929 mais qui a droit en 1937 à une lubrification sous pression. La firme américaine Harley-Davidson est depuis longtemps un fournisseur attitré des administrations et des militaires américains mais elle n’est pas la seule. Indian est aussi un important constructeur qui a lui aussi fourni un grand nombre de motos pendant la Grande Guerre de 1914-1918. À l’origine, les militaires penchent plutôt pour un 500 cm3, cylindrée jugée suffisante. C’est d’ailleurs pour répondre à cette demande que la firme Indian développe la “30-50”, une 30,5 cubic inch (500 cm3) dit Model 741 mais William Davidson tient à faire savoir qu’il n’a pas l’intention de se convertir au demi-litre et qu’il pense qu’une 750 serait bien plus efficace. Dès 1939, Harley-Davidson présente deux WL 45 peinte en kaki et pourvue de garde-boue plus larges aux militaires, afin que ceux-ci testent ces nouvelles montures. C’est le Mechanised Cavalry Board de Fort Knox qui se chargea de faire subir à la moto un véritable parcours du combattant. Satisfaits, les militaires passent commande de 410 WLA modèle 1940. Dans la nomenclature du constructeur américain, le “W” de la “WL” s’applique au nouveau modèle introduit en 1937
et le “L” définit un modèle basse compression pour pouvoir s’accommoder sur le terrain de carburants de moins bonne qualité. Quant au “A”, il signifie “Army”.

Peinture de guerre
Outre la fameuse livrée “Olive Drab” ou kaki, la moto reçoit un certain nombre d’accessoires militaires tout en étant débarrassée de ses chromes. La moto est simplifiée au niveau de la fourche dont la taille augmente de 2 pouces afin d’offrir une garde au sol supérieur. Une tôle de protection est montée sous le moteur et la partie arrière est équipée d’un porte-bagages sur lequel peuvent venir se fixer des sacoches. Pour opérer dans des zones poussiéreuses, un filtre à air a été monté. Les pneumatiques sont de taille identique à l’avant et à l’arrière. Le pilote est protégé par un pare-brise et des protèges jambes et un étui lui permet d’emporter une arme. En outre, une boîte à munitions prend place à la droite du garde-boue avant. Les garde-boue ne sont d’ailleurs plus enveloppants pour éviter le “bourrage” en tout terrain. Le phare est pourvu du système black-out qui évite de fournir trop de lumière et permet de rester discret lors des déplacements.


Sept séries pour un modèle
En 1941, avant l’attaque de Pearl Harbour, les modèles 1941 (dits 41WLA) sont assez courants mais la production en très grande série débute réellement avec la 42WLA. La 42 WLA sera produite en plusieurs séries (sept au total) qui différent par quelques détails. Les toutes premières se singularisent ainsi par un couvercle de filtre à air rond qui devient rectangulaire à partir de la série III, celle qui a été le plus diffusée à partir de mai 1942 (à 20 313 exemplaires). L’optique principale est tout d’abord positionnée en haut, avec un avertisseur sonore en dessous. À partir de 1942, les emplacements sont inversés car lorsque la moto est couchée (les pilotes apprennent à coucher la moto pour pouvoir se protéger de tirs ennemis), le phare trop exposé a tendance à se briser. Le rabat du pare-brise est en cuir puis en grosse toile kaki. À l’issue des épreuves, une première série de machines fut produite d’abord pour la Grande-Bretagne et pour la Russie (qui demanda de son côté des attelages et utilisa la WLA sous le nom de WSR), dans le cadre du “Lease Lend”, la loi « prêt-bail » qui permettait aux Américains de fournir des équipements aux alliés combattants les forces de l’Axe (Allemagne, Italie, Japon). Les Britanniques reçurent à des fins d’évaluation plusieurs WLC canadiennes en septembre 1941 mais la moto ne fut pas utilisée en première ligne car elle ne répondait pas aux cahiers des charges du War Office (le ministère de la guerre) : trop lourde, trop gourmande en carburant, elle était aussi totalement différente à manier, avec des commandes peu usuelles (embrayage au pied, boîte de vitesses manuelle etc.) De fait, on ne sait toujours pas combien de ces machines furent réceptionnées par l’Armée de sa gracieuse majesté (la RAF en reçut un certain nombre d’exemplaires). En revanche, les forces canadiennes adoptèrent massivement la moto, conjointement à des machines « made in England ». La WLC canadienne diffère du modèle WLA américain que par quelques détails : béquille supplémentaire fixée sur la roue avant, roues interchangeables, selle type britannique arrière supplémentaire (pas toujours montée), commande d’embrayage à main, pas de coffre à munition côté droit ni de holster pour l’arme à gauche mais un coffre sur le garde-boue avant, éclairage et équipement électrique aux normes anglaises etc.

Grande série
Mais Harley n’avait pas que la “45” sur son catalogue. La Navy opta ainsi pour de plus grosses machines, des 74 cubic inch (1210 cm3). Si elle est réellement lourde et d’un emploi assez limitée (sa faible garde au sol ne lui donne aucune vraie capacité en tout-terrain), la WLA a tout de même des avantages : elle est d’une robustesse à toute épreuve et elle délivre un couple toujours utile pour rouler dans des zones difficiles. Et puis son confort (relatif certes, puisqu’il n’y a pas de suspension arrière) permet à son pilote de parcourir de longues distances. Après ses premiers coups de feu en Afrique du Nord, la moto est équipée de pneumatiques « ballon » plus à l’aise dans le sable et qui seront standardisés par la suite. Près de 90 000 Harley-Davidson sortiront des chaînes de fabrication de la firme de Milwaukee (dont 2000 WLC) et l’usine a assuré la fabrication de pièces nécessaires à l’assemblage de 30 000 autres motos. Fabriquées en (trop) grand nombre, on retrouvera ces engins dans toute l’Europe de l’Après-guerre.

De l’arrière au front
Chaque division comptait environ 200 machines. Les pilotes étaient avant tout des soldats mais chacun d’entre-eux étaient formés à la fois à la conduite et à la maintenance de leur machine.Ces hommes étaient formés à l’école de mécanique de Harley-Davidson où ils apprenaient le maniement de la moto, le tir en roulant ou à pied et tout l’entretien de la WLA. Chez les GI, la Harley-Davidson WLA est devenue l’emblème de la Libération sur deux roues - à tel point qu’elle est même baptisée la “Liberator” -, cette machine est bien moins fréquente dans l’armée US qu’on ne pense. D’une part, une grosse partie des 90 000 exemplaires assemblés ont été fournis aux Canadiens ou aux Soviétiques et d’autre part, la moto se révèle finalement moins efficace qu’un petit 4 x 4 léger et mobile, la Jeep !


PHOTOS : agence Big-Block et DR/Collection Big-block

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