vendredi 28 mai 2010

KAWASAKI 500 H1



Préparation H !



En 1969, lorsque la Honda CB 750 four fait son apparition en fin d’année, elle s’autoproclame comme la première supersportive. Il existe pourtant depuis le début de l’année en France une machine de course aux performances époustouflantes, La Kawasaki 500 H1 Mach III, une incroyable machine qui s’impose comme l’arme absolue du début des seventies.

La fin des années 1960 est marquée aux USA par une nouvelle ère automobile, celle des muscle cars, ces voitures bodybuildées boostées par des V-8 survitaminés. Les Japonais ont de leur côté bien compris que pour plaire à ces Américains, il faut des engins aussi ludique que sportifs. Honda a déjà dévoilé en 1965 une CB 450 à deux arbres à cames en tête, Suzuki se fait connaître un peu plus tard avec une deux-temps performantes, la T 500 mais Kawasaki a dans ses cartons un engin autrement plus affûté.

La bombe H
En 1966, la marque avait présenté la Samouraï, une 250 bicylindre de 31 ch qui ne payait pas de mine mais qui disposait de réelles innovations comme des distributeurs rotatifs ou encore un ensemble alternateur/distributeur monté derrière les cylindres. L’Avenger qui apparaît l’année suivante est une 350 cm3 qui atteint déjà les 42 ch. Fin 1968, la firme dévoile sa nouveauté : la 500 HA Mach III (elle apparaît en France en mars 1969). C’est une rupture profonde avec les anciens modèles. D’un point de vue technique, la Mach III étonne avec son moteur 3-cylindres, son allumage électronique et sa ligne en complète rupture avec les machines précédentes. Fine, longue, agressive, avec deux tubes d’échappements côté gauche et un seul côté droit, la nouvelle 500 est immédiatement identifiable. Personne ne fait attention à sa partie cycle un peu désuète (les premiers modèles n’ont qu’un frein avant à tambour) tant les performances sont au rendez vous : 60 ch à 7500 tr/mn, voilà une cavalerie qu’il faut savoir apprivoiser. Ce n’est d’ailleurs pas chose facile : le moteur est assez creux jusqu’à 6000 tr/mn mais après, quelles sensations ! Le moteur hurle, le guidon est pris de vibrations et la roue avant a tendance à se délester à chaque passage de rapport ! Très vite, c’est la moto qui se met à ruer, un peu comme si le pilote ne la contrôlait plus. Ces sensations brutales ont d’ailleurs été à l’origine de nombreux accidents qui ont très vite valu à la moto une réputation de « faiseuses de veuves ».

Anatomie d’une furie
La partie cycle est le point faible de la machine : le cadre double berceau dépourvu de renfort ne peut pas contenir le moteur, pas plus que ne le peut l’amortisseur de direction ou la fourche avant, les combinés arrière ou le tambour. Le trois cylindres est large (aussi large que celui de la futur 750 H2) avec des cylindres séparés, un vilebrequin calé à 120° tournant sur six roulements et des bielles sur des cages à aiguilles. La transmission primaire s’effectue par pignons et elle actionne en même temps la pompe à huile avec un système Injectolube par durits externes. L’originalité des premiers exemplaires qui arborent pompeusement un monogramme « Mach III » sur les flancs, est l’allumage électronique qui a obligé les firmes NGK et Champion à développer de nouvelles bougies. Mais finalement, la machine est techniquement assez simple. Elle évolue assez peu et donne naissance à toute une série de trois-cylindres deux temps, à commencer par la 750 H2, plus puissante mais finalement plus civilisée et aussi des 350 cm3 (1971), des 250 cm3 (1972) et une 400 cm3 (1974). La 500 H1 (le surnom Mach III est celui des modèle 1969 seulement) reçoit au passage des accessoires de la 750 H2, à commencer par la fourche et le disque de frein en 1972 (modèle H1 B) puis sa ligne est modernisée en 1973 avec un look de 750 H2 avec un dosseret de selle, des garde-boue chromés et une finition en hausse (modèle H1 D).


Fin de règne
En 1974, le moteur de la H1 Eest monté sur silent-blocs (réduisant les vibrations). Pur sang d’origine, la machine connaît une très belle destinée en compétition puisqu’en France, elle s’adjuge dès 1969 les 1000 km du Mans et une seconde, troisième et quatrième place au Bol d’Or, ce qui, au passage, permet de mettre en avant la robustesse de cette deux-temps pourvu qu’on la soigne. Toujours en compétition, il sera produit une redoutable version H1 R de 75 ch (puis une H1 RA de 80 ch), aussi puissante que délicate à piloter. A partir de 1976, avec les nouvelles normes anti-bruit et antipollution, la sulfureuse 500 est condamnée : elle boit beaucoup trop d’essence, mange trop de corps gras et d’huile, braille comme une ivrogne et fume comme un pompier. Elle tente même de se faire oublier en changeant de nom pour devenir la 500 KH. Vieillissante, elle perd quelques chevaux, devient un peu plus sage et termine sa vie en 1977. Elle fut toutefois la trois pattes deux temps la plus produite au monde avec 117 509 exemplaires, soit 2,5 fois plus que la 750 H2.
Ci-dessus, une H1R, une véritable arme de guerre arme sur les circuits dans les années 1970, mais très délicate à manier.
Textes et photos : Bigblock.agency

Harley Davidson WLA 45

La Liberator de Milwaukee


Ce n’est peut-être pas la moto militaire la plus construite, mais c’est la plus connue. En 1944, la Harley-Davidson WLA est indissociable de la Libération de la France et de l’Europe. Elle a aussi largement contribué à faire connaître la marque américaine dans nos frontières.

La Harley-Davidson WLA est issue d’un modèle civil développé avant la guerre, la WL45 qui « cube » 750 cm3 (45 cubic inch). Il s’agit d’un V-twin très classique de conception, avec deux cylindres en fonte dotés de soupapes latérales lui même dérivé des anciennes séries “D” de cylindrées identiques et datant de 1929 mais qui a droit en 1937 à une lubrification sous pression. La firme américaine Harley-Davidson est depuis longtemps un fournisseur attitré des administrations et des militaires américains mais elle n’est pas la seule. Indian est aussi un important constructeur qui a lui aussi fourni un grand nombre de motos pendant la Grande Guerre de 1914-1918. À l’origine, les militaires penchent plutôt pour un 500 cm3, cylindrée jugée suffisante. C’est d’ailleurs pour répondre à cette demande que la firme Indian développe la “30-50”, une 30,5 cubic inch (500 cm3) dit Model 741 mais William Davidson tient à faire savoir qu’il n’a pas l’intention de se convertir au demi-litre et qu’il pense qu’une 750 serait bien plus efficace. Dès 1939, Harley-Davidson présente deux WL 45 peinte en kaki et pourvue de garde-boue plus larges aux militaires, afin que ceux-ci testent ces nouvelles montures. C’est le Mechanised Cavalry Board de Fort Knox qui se chargea de faire subir à la moto un véritable parcours du combattant. Satisfaits, les militaires passent commande de 410 WLA modèle 1940. Dans la nomenclature du constructeur américain, le “W” de la “WL” s’applique au nouveau modèle introduit en 1937
et le “L” définit un modèle basse compression pour pouvoir s’accommoder sur le terrain de carburants de moins bonne qualité. Quant au “A”, il signifie “Army”.

Peinture de guerre
Outre la fameuse livrée “Olive Drab” ou kaki, la moto reçoit un certain nombre d’accessoires militaires tout en étant débarrassée de ses chromes. La moto est simplifiée au niveau de la fourche dont la taille augmente de 2 pouces afin d’offrir une garde au sol supérieur. Une tôle de protection est montée sous le moteur et la partie arrière est équipée d’un porte-bagages sur lequel peuvent venir se fixer des sacoches. Pour opérer dans des zones poussiéreuses, un filtre à air a été monté. Les pneumatiques sont de taille identique à l’avant et à l’arrière. Le pilote est protégé par un pare-brise et des protèges jambes et un étui lui permet d’emporter une arme. En outre, une boîte à munitions prend place à la droite du garde-boue avant. Les garde-boue ne sont d’ailleurs plus enveloppants pour éviter le “bourrage” en tout terrain. Le phare est pourvu du système black-out qui évite de fournir trop de lumière et permet de rester discret lors des déplacements.


Sept séries pour un modèle
En 1941, avant l’attaque de Pearl Harbour, les modèles 1941 (dits 41WLA) sont assez courants mais la production en très grande série débute réellement avec la 42WLA. La 42 WLA sera produite en plusieurs séries (sept au total) qui différent par quelques détails. Les toutes premières se singularisent ainsi par un couvercle de filtre à air rond qui devient rectangulaire à partir de la série III, celle qui a été le plus diffusée à partir de mai 1942 (à 20 313 exemplaires). L’optique principale est tout d’abord positionnée en haut, avec un avertisseur sonore en dessous. À partir de 1942, les emplacements sont inversés car lorsque la moto est couchée (les pilotes apprennent à coucher la moto pour pouvoir se protéger de tirs ennemis), le phare trop exposé a tendance à se briser. Le rabat du pare-brise est en cuir puis en grosse toile kaki. À l’issue des épreuves, une première série de machines fut produite d’abord pour la Grande-Bretagne et pour la Russie (qui demanda de son côté des attelages et utilisa la WLA sous le nom de WSR), dans le cadre du “Lease Lend”, la loi « prêt-bail » qui permettait aux Américains de fournir des équipements aux alliés combattants les forces de l’Axe (Allemagne, Italie, Japon). Les Britanniques reçurent à des fins d’évaluation plusieurs WLC canadiennes en septembre 1941 mais la moto ne fut pas utilisée en première ligne car elle ne répondait pas aux cahiers des charges du War Office (le ministère de la guerre) : trop lourde, trop gourmande en carburant, elle était aussi totalement différente à manier, avec des commandes peu usuelles (embrayage au pied, boîte de vitesses manuelle etc.) De fait, on ne sait toujours pas combien de ces machines furent réceptionnées par l’Armée de sa gracieuse majesté (la RAF en reçut un certain nombre d’exemplaires). En revanche, les forces canadiennes adoptèrent massivement la moto, conjointement à des machines « made in England ». La WLC canadienne diffère du modèle WLA américain que par quelques détails : béquille supplémentaire fixée sur la roue avant, roues interchangeables, selle type britannique arrière supplémentaire (pas toujours montée), commande d’embrayage à main, pas de coffre à munition côté droit ni de holster pour l’arme à gauche mais un coffre sur le garde-boue avant, éclairage et équipement électrique aux normes anglaises etc.

Grande série
Mais Harley n’avait pas que la “45” sur son catalogue. La Navy opta ainsi pour de plus grosses machines, des 74 cubic inch (1210 cm3). Si elle est réellement lourde et d’un emploi assez limitée (sa faible garde au sol ne lui donne aucune vraie capacité en tout-terrain), la WLA a tout de même des avantages : elle est d’une robustesse à toute épreuve et elle délivre un couple toujours utile pour rouler dans des zones difficiles. Et puis son confort (relatif certes, puisqu’il n’y a pas de suspension arrière) permet à son pilote de parcourir de longues distances. Après ses premiers coups de feu en Afrique du Nord, la moto est équipée de pneumatiques « ballon » plus à l’aise dans le sable et qui seront standardisés par la suite. Près de 90 000 Harley-Davidson sortiront des chaînes de fabrication de la firme de Milwaukee (dont 2000 WLC) et l’usine a assuré la fabrication de pièces nécessaires à l’assemblage de 30 000 autres motos. Fabriquées en (trop) grand nombre, on retrouvera ces engins dans toute l’Europe de l’Après-guerre.

De l’arrière au front
Chaque division comptait environ 200 machines. Les pilotes étaient avant tout des soldats mais chacun d’entre-eux étaient formés à la fois à la conduite et à la maintenance de leur machine.Ces hommes étaient formés à l’école de mécanique de Harley-Davidson où ils apprenaient le maniement de la moto, le tir en roulant ou à pied et tout l’entretien de la WLA. Chez les GI, la Harley-Davidson WLA est devenue l’emblème de la Libération sur deux roues - à tel point qu’elle est même baptisée la “Liberator” -, cette machine est bien moins fréquente dans l’armée US qu’on ne pense. D’une part, une grosse partie des 90 000 exemplaires assemblés ont été fournis aux Canadiens ou aux Soviétiques et d’autre part, la moto se révèle finalement moins efficace qu’un petit 4 x 4 léger et mobile, la Jeep !


PHOTOS : agence Big-Block et DR/Collection Big-block